Le karma vous rattrape toujours, à ce qu’il paraît. Lorsqu’il était adolescent, Sarang avait passé ses colères en harcelant et malmenant certains de ses camarades de classe, avec l’aide de ses amis. Jamais à l’époque, il n’avait mesuré à quel point son attitude pouvait faire du mal aux autres, et jamais il n’aurait cru qu’un jour ce serait lui qui deviendrait la victime. Et pourtant, il y était maintenant. Tout était justement parti de l’un de ces anciens élèves à qui il avait fait du tort. Pourquoi cette vengeance tardive ? Peut-être était-il jaloux ou en colère du début de célébrité de Sarang. En tout cas, il avait fait éclater au grand jour qu’il était homosexuel.

Sur le moment, ça ne lui avait pas paru tellement grave. C’était surtout ses proches et ses collègues qui s’étaient inquiétés. Ses parents, son manager, ils se préparaient tous à démentir cette information. Certaines des danseuses avec qui il travaillait s’étaient même proposées pour jouer les fausses petites amies. Ça aurait marché, des dizaines de témoignages pour en contredire un seul. Sarang avait refusé. Il ne voulait pas se cacher, et encore moins faire semblant d’être un couple. De toute manière, ça aurait fini par se savoir d’une façon ou d’une autre. Il aurait préféré avoir eu le choix du moment et de la manière de faire éclater cette vérité, mais tant pis.

C’est après avoir confirmé l’information sur twitter que les choses commencèrent à s’emballer. En vérité, beaucoup de gens avaient accueilli la nouvelle avec bienveillance. On avait admiré son courage – même si pour lui ça n’en était pas – et certains lui avaient même dit que c’était une bonne chose pour tous de montrer que les homosexuels pouvaient poursuivre leurs rêves – un peu trop poétique, mais passons.

Cependant, il y avait aussi dans le lot une minorité bien visible de gens décidés à lui mener la vie dure. Ça avait commencé par des insultes et des menaces sur les réseaux, des gens qui photoshoppaient son visage sur des photos obscènes et les faisaient circuler, des memes où on essayait de le faire passer pour un idiot. Les gens chargés de son image, au travail, faisaient tout pour faire disparaître ces messages, mais le raz-de-marée était inarrêtable. Sarang n’avait jamais été l’objet d’une telle attention, même des gens qui ne savaient rien de lui quelques jours plus tôt se sentaient le droit de décider de ce qu’il devait faire de sa carrière maintenant qu’on savait qu’il avait eu des hommes dans son lit.

Sarang n’aurait pas cru que les choses puissent aller plus loin, et pourtant ce n’était pas fini. Il ne sut pas comment, sans doute un hack, mais son adresse et son numéro de téléphone personnel se retrouvèrent diffusés sur les réseaux. Il dut rapidement changer de numéro, car il recevait des appels et des messages constamment. Son adresse, par contre, il ne pouvait pas la changer aussi facilement. Il y avait des recherches à faire pour trouver quelque chose dans son budget, et honnêtement, il n’avait pas la tête à ça. Il était fatigué, et n’avait envie de rien, toute cette histoire lui pesait bien trop. Parfois, il entendait des gens faire des remarques dans son dos quand il marchait dehors. Quand des gens riait, il se demandait si on se moquait de lui. Il était sans cesse inquiet, et une boule se formait dans son ventre à chaque fois qu’il sortait dans la rue.

Un soir, alors qu’il rentrait chez lui, il se retrouva devant un groupe d’hommes alors qu’il sortait des escaliers. Ils étaient à sa porte et riaient en écrivant des insultes sur celle-ci et le mur autour.

« Hey ! »

Sans avoir vraiment le temps d’y réfléchir, Sarang se retrouva dans une baston. Le plus grand des types essaya de lui bloquer les mains dans le dos pour que les autres puissent le frapper et le filmer. Pas de chance pour eux, il pratiquait un sport de combat depuis des années et ne se laissa pas prendre au piège. La bataille fut désordonnée, Sarang prit plusieurs coups dans le ventre, un bien violent sous l’œil gauche, et la bague de l’un des agresseurs lui laissa plusieurs estafilades sur les joues et les bras. Au final, il parvint à les mettre en fuite, mais il ne put pas entrer chez lui ce jour-là et appela ses parents. C’est avec eux qu’il alla porter plainte, bien que la police n’eût pas l’air bien affolée par ce qu’il leur avait décrit. Pourtant, la vidéo fut diffusée, ça ne devait pas être trop dur de trouver les coupables.

Il resta dormir chez ses parents, et eut beau supplier, son manager insista pour qu’il prenne quelques jours de repos. Il avait pourtant plus que jamais le besoin de bouger, c’était la seule chose qui lui vidait la tête et lui faisait du bien en ce moment. Il avait même pratiquement arrêté de manger. Pour compenser, il passait des heures à la salle de sport, ou il se démenait jusqu’à la limite de ses forces.

Le soir, il avait pris l’habitude d’aller courir dans un parc près de la maison de ses parents. Il faisait le chemin en boucle, encore et encore, même si ses jambes le brûlaient et qu’il était à bout de souffle. Un jour, il vit de loin deux types à l’air bizarre. Debout près d’un banc, ils étaient tout en costume, et le regardaient. On aurait dit des men in black. Sarang continua de courir quelques mètres, puis il bifurqua sans prévenir et fila entre les arbres. Il entendit alors que les deux types faisaient de même, et sentit la panique monter. Ils allaient vite, ou alors c’était lui qui était fatigué. L’un d’eux lui saisit le bras, et il lui donna de grands coups de coude pour lui faire lâcher prise, mais ça laissa à l’autre le temps de les rattraper. Ceux-là savaient se battre bien mieux que lui, en plus d’être deux fois plus grands et plus larges. Il n’eut même pas le temps de crier et se retrouva bâillonné, les yeux bandés, emmené par ces types. Quelques minutes plus tard, il se retrouvait dans un véhicule, privé de ses affaires, notamment son téléphone, et en route pour il ne savait où.

Sa panique était si totale qu’il avait l’impression qu’il allait s’évanouir. C’était au-delà des mots et des cris. Les questions s’enchaînaient dans sa tête. Qui étaient ces types ? Est-ce qu’ils étaient avec ceux contre qui il s’était battu ? Où est-ce qu’on l’emmenait comme ça ? Après un temps qui lui parut terriblement long, mais qui n’avait dû être que de quelques dizaines de minutes, on le fit sortir et son bandeau lui tomba des yeux. Il vit alors un… jet privé ?

« Où vous m’emmenez comme ça ? » demanda-t-il à l’un des gorilles alors qu’il montait les marches de l’avion.

Comme il s’y attendait, il n’eut pas de réponse. En tout cas, c’étaient par les péquenauds que l’autre jour, avec leurs feutres indélébiles, qui avaient pu organiser tout ça. Ça faisait une question de moins.

Sarang s’assit sur le fauteuil qu’on lui désigna, et il regarda autour de lui alors que l’avion se mettait à rouler pour se positionner sur la piste. Il regarda tout ce luxe avec l’impression d’avoir été balancé dans un film d’espionnage.

« Vous êtes sûr d’avoir enlevé la bonne personne ? »

Toujours pas de réponse. Est-ce qu’au moins ces types le comprenaient ? Ils avaient l’air plus japonais que coréens. En tout cas, pour lui, ce devait être une erreur. Il allait se retrouver devant un baron de la drogue, à devoir expliquer qu’il avait peut-être un sbire qui lui ressemble beaucoup, mais que lui n’avait rien à voir avec ces histoires.

D’après l’horloge, le trajet dura un peu plus de deux heures, et ils se retrouvèrent ensuite dans un autre petit aéroport. Son escorte sembla alors juger qu’il était suffisamment paumé pour ne pas prendre autant de précautions, puisqu’on ne lui mit rien sur le visage cette fois. C’est dans une limousine que le trajet reprit. Encadré par les deux armoires à glace, Sarang se mit à regarder partout au-dehors en quête de repères. Lorsqu’ils croisèrent les premiers panneaux, il crut qu’il était en train de rêver, ou qu’on lui faisait une farce, mais après un moment, il dut bien admettre que tout ça était bien réel.

« C’est du japonais ça, on est d’accord ? » Silence toujours, le blondinet remua pour se retourner et voir la ville défiler par la vitre arrière. « C’est Tokyo. C’est totalement Tokyo. »

Il connaissait la ville pour y être venu plusieurs fois en vacances, aussi reconnut-il certaines choses au départ, avant que la voiture ne l’entraîne dans un coin beaucoup moins touristique. L’un des gorilles passa un bref coup de téléphone tandis qu’ils s’enfonçaient dans les méandres de la ville. Ils passèrent finalement un portail, roulèrent sur un chemin et s’arrêtèrent enfin. Il faisait nuit noire, mais Sarang n’eut aucun mal à reconnaitre la personne debout devant une immense maison quand il sortit de la voiture.

« TOI ! » Cria-t-il en pointant un doigt accusateur devant lui. « Triple andouille, j’ai failli crever de trouille ! Tu pouvais pas m’envoyer un message pour me dire que tu venais me chercher ou… »

Bon, c’est vrai, il avait changé de numéro. Sarang n’eut pas la force d’en dire plus, il avait soudain toutes les peines du monde à respirer. Le soulagement qu’il ressentait après des heures de stress avait l’effet d’une baisse de tension. Il parvint plus ou moins à calmer sa respiration, mais ne put rien faire pour stopper les larmes qui inondèrent ses yeux. Finalement, après avoir tout pris pour lui pendant des semaines, voilà qu’il finissait par craquer.

« Ren… » lâcha-t-il faiblement entre deux sanglots.

Il avait beaucoup, beaucoup de questions, mais pour le moment il se contenta d’aller jusqu’à lui et de le serrer par la taille. La tête contre sa poitrine, il continua de pleurer librement.

Complètement hagard, Sarang se laissa emmener par Ren sans opposer la moindre résistance. Il remarqua vite les carpes dans le bassin et se laissa hypnotiser par cette vision. Il adorait la plupart des animaux, les poissons en faisaient partie. Ce spectacle avait quelque chose de très apaisant, et le fait que son camarade ne dise rien l’aida à se calmer de lui-même. Il sécha ses joues avec la manche de son survêtement et s’agenouilla près de l’eau pour mieux regarder. Ren voulait des explications, et il se demanda par où commencer. Ce soir ? Le jour de son agression ? Avant encore ? Il finit par se dire que le beau brun devenu blond devait connaître l’essentiel de l’histoire. Sinon, que ferait-il là ?

« Un de mes anciens camarades de classe se venge de moi. » finit-il par dire en remuant l’eau du bout des doigts. « Il a révélé que j’étais gay, et il rassemble des rageux pour m’attaquer sur les réseaux et en-dehors. C’est ma faute, en fait, quand j’étais ado, c’était moi qui harcelais les gens, même si… » sa main quitta l’eau pour se poser sur une boursoufflure violette qui suivait tout le contour de son œil gauche. « … c’était pas allé aussi loin avec moi. »

Il finit par se redresser et regarda Ren d’un air beaucoup plus tranquille.

« Je maintiens que t’es plus beau en couleur, ça te va bien cette nouvelle coiffure. Maintenant… » Il fit un geste de la main pour montrer tout ce qui les entourait. « Tu m’expliques pourquoi t’as envoyé deux géants me kidnapper et me faire changer de pays, tout ça pour se promener dans un parc ? Non seulement j’ai eu la peur de ma vie, mais en plus y’a de très beaux parcs aussi en Corée. On aurait pu organiser un truc, vraiment. Là j’ai pas mes médocs, j’ai pas de vêtements, j’ai même plus mon téléphone et mon portefeuille, y’a Hulk qui me les a pris. Sérieux, qu’est-ce qu’il t’es passé par la tête ? »

Pour le coup, Sarang n’était même plus énervé, les émotions qu’il avait ressenties en voyant qui était responsable de ce scénario de film hollywoodien étaient retombées en même temps que son angoisse. En fait, s’il n’avait pas été aussi terrifié, il aurait peut-être pu reconnaître la patte de Ren derrière tout ça. Qui d’autre aurait pu faire une chose pareille ?

Il commença à faire le tour du bassin, tournant le dos à Ren. Il avait beau faire nuit, la végétation autour avait l’air magnifique elle aussi. Bizarre qu’il n’y ait pas plus de promeneurs, il n’était quand même pas si tard.

« Oh, et… » Un mince sourire se dessina sur son visage, il tenta de s’en débarrasser, en vain. Il continua donc de tourner le dos à son camarade. « La prochaine fois que tu me diras que la seule chose que t’aime chez moi, c’est mon corps. Je te croirais pas. »

Il jeta un bref coup d’œil en arrière, le regard pétillant. Le beau parleur s’était trahi cette fois, et pas qu’un peu. Personne, pas même lui, n’aurait lancé toute une opération comme ça pour un simple coup. Même pas pour le meilleur coup de l’univers.

Quand Ren lui dit qu’il aurait eu mieux fait de nier, Sarang se contenta de hausser les épaules sans grande conviction.

« C’est ce que tout le monde me dit, mais je pense que c’est mieux comme ça. Si j’étais plus célèbre, ça aurait été encore pire. »

Peut-être aurait-il été mieux protégé ? Pas sûr. En tout cas, lui comprenait au moins en partie le déchainement de haine de son ancienne victime. Il en avait rencontré un autre, Choi Taeho, un soir en ville. Si lui-même avait changé au point d’en être presque méconnaissable, les blessures qu’il avait faites à ce garçon, elles, étaient toujours intactes. C’était comme si une copie carbone de son ancien lui continuait à vivre dans la tête de chacune de ses victimes.

Son camarade lui demanda s’il l’aurait suivi s’il était venu le lui demander gentiment. Il y réfléchit une seconde, puis eut un léger rire en secouant négativement la tête. Probablement pas, c’est vrai. Pas sûr que ça justifie l’enlèvement. Il avait quand même le droit de choisir, non ? M’enfin, c’était Ren, probablement que dans sa tête, tout ça était parfaitement logique.

« J’aurais dû te recontacter, c’est vrai. Quand on s’est quitté l’autre fois, j’étais assez énervé contre toi, et puis toute cette histoire m’a pris la tête. M’enfin, je pensais pas que tu t’inquiétais pour moi non plus, honnêtement. »

Ne s’étaient-ils pas quittés comme s’ils n’avaient eu qu’un coup d’un soir de plus ? Ren avec la froideur d’une porte de prison, et lui qui lui intime bien gentiment de dégager de chez lui. Comment Sarang aurait-il pu imaginer qu’il avait la moindre importance à ses yeux alors qu’il faisait tout pour lui prouver le contraire ? Ce qui ne changeait pas avec le mannequin, c’était qu’il était impossible à déchiffrer. La seule chose qu’il parvint à prévoir, c’était que sa tirade sur le fait qu’il aimait plus que son corps n’allait pas lui plaire.

Entraîné à nouveau par la main, Sarang se retrouva dans la gigantesque bâtisse au milieu du jardin. Il se mit à regarder partout, l’architecture était étonnante, mais le plus étonnant pour lui fut que ça avait tout l’air d’être un bâtiment privé. Il n’était effectivement pas dans un parc, comme il l’avait cru. Avec des yeux ronds, il s’assit sur le bord de la baignoire et contempla la salle de bain tandis que Ren s’affairait ailleurs. Quand il revint, il continua de le regarder d’un air halluciné alors qu’il mettait de la pommade sur son bleu.

« C’est ta maison… ou celle de ta famille… » Il laissa échapper un sifflement. « Balèze. »

Tout en le soignant, Ren repartit sur le sujet hautement épineux pour eux deux, l’amour, ou même juste l’affection. Sarang le laissa parler, un sourire tranquille étirant ses lèvres. Son aîné insista encore et encore sur tout ce qu’il ne pouvait pas, ou ne voulait pas lui donner. Aveugle à toutes les attentions qu’il avait pour lui, à l’inquiétude qui l’avait poussée à le faire enlever, à la douceur avec laquelle il l’avait emmené près du bassin pour qu’il se calme, et tout un tas d’autres choses encore.

« Ça me va. Soit juste une âme qui passe et qui repasse. Je te demande rien. »

Ils n’étaient pas un couple, ils n’étaient pas amis, ils ne connaissaient pas tant que ça non plus. D’accord, mais ils étaient quand même liés par quelque chose qui les rendait prêts à se battre l’un pour l’autre. Maintenant qu’il y pensait, si c’était Ren qui s’était retrouvé dans la tourmente, lui aussi se serait démené pour venir s’assurer qu’il allait bien.

« C’est bon, t’as pas besoin de jouer les docteurs… »

Sarang croisa les bras contre son torse quand Ren lui demanda de se déshabiller. Il n’avait pas du tout envie de lui montrer ce que sa tenue de sport cachait très bien, parce que c’était un spectacle plutôt déplaisant. Néanmoins, il doutait fort que Ren le laisse quitter cette salle de bain sans en passer par là. Après quelques instants, il soupira et dézippa son survêtement. Les vêtements finirent tous par terre, en dehors de son boxer qu’il garda sur lui.

« Comme tu le sais déjà, ma peau marque bien. » dit-il avec amertume.

De nombreux bleus parsemaient le torse de Sarang, ainsi que ses bras, avec lesquels il s’était protégé. Il avait aussi une marque dans le dos et quelques coupures très superficielles. Ça ne lui faisait pas tellement mal, peut-être parce qu’il était habitué à se prendre quelques coups en faisant du MMA, mais ça n’était pas beau à regarder.

« On se ressemble, en fait. » Fit-il en laissant Ren continuer ce qu’il avait commencé. « Même si je sais pas ce qui t’es arrivé bien sûr. Moi, mes parents m’ont abandonné. Enfin, c’est pas comme s’ils m’avaient laissé pour que d’autres s’occupent de moi. Ils m’ont gardé avec eux, mais vivaient comme si j’existais pas. De toute façon ils étaient tout le temps stones. Ça a duré jusqu’à ce que la police intervienne. Je m’en rappelle, même si j’étais jeune. J’ai des flashs, parfois. C’est en moi, quelque part. » Il tritura les boutons servant à mettre les bulles dans la baignoire. « J’ai jamais été amoureux, je sais même pas ce que c’est censé faire. C’est pas que je me protège, ça vient juste pas. » Finalement, il reporta son attention sur Ren. « Puisque tu as l’air de vouloir veiller sur moi, et moi sur toi, autant que tu le saches. »

« Moi aussi, j’aurais préféré que ce soit tes marques, crois-le bien. »

Sarang laissa son aîné mesurer l’étendue des dégâts. En vrai, ça aurait pu être bien pire s’il n’avait pas eu les clés pour se défendre. Ses attaquants étaient eux aussi repartis avec leur lot de bleus. Laissant Ren continuer ses soins, il s’autorisa à dévoiler une petite part de lui, de son passé. Pourquoi ? Parce qu’il comprenait maintenant qu’il comptait pour le célèbre mannequin, d’une façon ou d’une autre. Pour lui qui n’avait pas compté aux yeux de ses propres parents, ça valait de l’or. Il s’étonnait encore un peu que Ren se soit inquiété pour lui, c’était loin de l’image qu’il lui avait montrée à maintes reprises, mais c’était une bonne surprise. La meilleure qu’il ait eue ces derniers temps.

« Tu veux me prêter ta… ? »

Sarang éclata de rire à s’en faire mal aux côtes. La proposition de Ren était totalement inattendue, et le pire, c’est qu’il n’était pas 100% sûr que ce soit une blague. Il riait encore en l’entendant décrire sa mère, et lui saisit la main alors qu’il terminait ses soins. En la caressant du pouce, il ajouta.

« Je suis vraiment content… que ta mère soit quelqu’un d’attentionné. C’est tellement important. »

Alors que son camarade rangeait ce qu’il avait utilisé, Sarang regarda ses vêtements en tas sur le sol. C’était la tenue dans laquelle il avait fait un long jogging, avant de se battre avec deux gorilles, puis de suer sang et eau de stress durant tout le trajet jusqu’ici. Autant dire qu’elle n’était pas propre du tout. Il n’avait pas envie de la remettre, et se leva pour regarder s’il n’y avait pas quelque chose dans le meuble sous le lavabo.

« Je me sers, hein. » dit-il en se roulant dans une grande serviette.

Il suivit ensuite Ren en marchant sur la pointe des pieds.

« Je suis toujours sage, contrairement à toi. Y’a vraiment des chevaux ?! » Sarang tendit le cou vers la fenêtre la plus proche comme s’il espérait en apercevoir un. « Y’a d’autres animaux ? Des chiens ? Des chats ? Y’a sûrement des chats, même si c’est pas les tiens. Et avec l’étang il doit y avoir plein de grenouilles et… des tortues d’eau ! Y’a des tortues d’eau ? »

Nul doute que s’il avait été riche, Sarang posséderait une véritable ménagerie. Ou mieux, un zoo rien que pour lui. Pendant un moment, il sautilla sur place rien qu’à l’idée de faire de l’équitation, puis une pensée le fit redevenir sérieux.

« Je comprendrais que tu veuilles pas me rendre mon téléphone. Comme ça j’échappe au flot de merde qu’on m’envoie en ce moment, mais il faut que j’appelle ma famille. Je me suis fait agresser, maintenant je disparais, ils vont imaginer le pire et appeler la police. Je leur donnerais pas de détails, c’est juste pour les rassurer. »

Sarang avait toujours l’air halluciné en marchant dans le couloir, cet endroit était juste incroyable à ses yeux, il ralentissait parfois pour observer un peu mieux un détail ou un autre. C’était d’autant plus bizarre de se promener là en ne portant qu’une serviette et un boxer.

« J’imagine qu’il doit y avoir cinquante chambres ici mais… je peux dormir avec toi ? » Il fit quelques grands pas pour se mettre au niveau de Ren, et attrapa sa chemise par le bas. « Et avec cette chemise ? »

Oui, cette chemise-là précisément. Pas n’importe quelle chemise sortie de n’importe quel placard et qui sent le savon. La chemise qui sent le Ren. Pour convaincre son aîné, Sarang lui fit sa plus belle gueule d’ange, quelque peu gâchée par son bleu, faut avouer.

« Je suis en convalescence, j’ai besoin d’être rassuré. » dit-il en souriant d’une oreille à l’autre.