Beaucoup d’images mignonnes venaient à l’esprit de Sarang quand il imaginait Ren plus petit, en train de fantasmer sur le torse musculeux du fameux Hercule. Et c’était tout aussi attachant de se dire que ça l’avait poussé à faire des recherches sur les histoires mythologiques, et de nourrir ainsi une passion qui perdure encore maintenant. Lui, petit, il ne tenait pas en place, même avec des traitements. Encore aujourd’hui, c’était compliqué pour lui de rester assis devant un film pendant deux heures. Du coup, il regardait plutôt des animés comme Naruto ou One piece, même s’il avait quand même quelques souvenirs de dessins animés plus longs.

Sa proposition d’aller à la plage sembla surprendre Ren, mais il ne chercha pas à discuter pour autant. Quelques instants plus tard, ils parcouraient les couloirs main dans la main. À mi-chemin de la sortie, Sarang fut surpris de se faire voler le foulard, mais il se laissa faire sans râler. Ce n’était pas si important, il n’allait pas travailler aujourd’hui, et même à son travail, il sentait que ses collègues allaient devoir s’habituer à le voir débarquer avec des blessures de guerre. Si c’était le prix à payer pour profiter de la compagnie de son jeune amant, et bien plus encore, il était prêt à sacrifier quelques centimètres carrés de peau.

Sans cérémonie, il se fit pousser dans la voiture, et écouta Ren s’exprimer alors qu’ils quittaient la propriété. Sa première réplique sur les films le fit sourire.

« On sera deux à ne pas être concentrés alors. Je suis un peu trop hyperactif pour suivre un film, mais je te ferais des câlins. »

Il récupéra ensuite le foulard, mais le glissa simplement dans sa poche. Tout bien réfléchit, Ren avait raison, il n’en avait pas besoin ici. Même à sa plaisanterie sur l’anneau de dentition, il prit la peine de lui répondre. Un moment de silence suivit, avant que Sarang ne finisse par glisser.

« Je râle un peu, mais ça ne me dérange pas d’avoir un petit animal sauvage comme amant. » Il réfléchit une seconde. « Un grand animal sauvage. J’aime bien porter tes marques… j’aime bien être à toi. »

Il eut un haussement d’épaules qui lui donna l’air plus nonchalant qu’il ne l’était vraiment. C’était tout de même un gros aveu qu’il venait de faire là.

« Mais ça colle pas trop à mon job. »

Il eut un léger rire, avant de devenir silencieux à son tour, regardant la ville défiler dehors. La voiture s’arrêta assez vite près d’un petit magasin, et c’est avec une certaine curiosité que Sarang scruta les rayonnages à l’affut des ressemblances et des différences entre les produits japonais et coréens. Il dû se baser plus sur les images que les mots pour faire sa sélection, et pris aussi quelques produits par pure curiosité, des KitKat à la pomme cannelle, notamment, et plusieurs paquets de chips. Heureusement, il avait aussi pris des choses plus consistantes, pour le trajet et pour plus tard comme l’avait conseillé Ren. Quand il lui dit que ça allait changer du cinq étoiles, il hocha simplement la tête.

« Je ne mange pas de la grande gastronomie tous les jours, peut-être que j’apprécierais encore plus après ça. » Il ne resta pas sans réagir aux propos de l’autre sur son choix d’aller à la plage. « J’adore l’eau, et au contraire, c’est le moment idéal pour y aller ! Y’aura que nous, on pourra profiter à fond. En plus, il fait plutôt bon. Peut-être un peu frais, mais j’ai un foulard si tu veux. »

Tandis que Ren sirotait son café, il déballa des onigris et croqua dedans avec appétit. Quelques bouchées lui suffirent pour se sentir beaucoup mieux. L’autre aussi sembla reprendre un peu de peps grâce à sa boisson. Ils arrivèrent finalement devant la mer. Sarang retira ses chaussures dès l’instant où ils atteignirent le sable, et il s’avança vers l’eau d’un pas bondissant. Le bruit des vagues et les embruns achevèrent de lui donner de l’énergie.

« Faire des châteaux, hé ho, je suis pas un gamin non plus… Oh ! Un crabe ! »

L’instant d’après, il était agenouillé auprès du petit animal qui fila aussi vite que ses multiples pattes le permettaient. Alors qu’il s’éloignait, Sarang se retourna et vit que son camarade s’était assis. Il vint s’asseoir à ses côtés en déballant son dernier onigri, il regrettait un peu d’avoir laissé son soda au melon dans la voiture.

« Le petit homme est ravi. Y’a que nous ! Et un crabe. »

Il laissa sa tête se poser contre l’épaule de Ren, et après un moment à regarder les vagues en silence, il ajouta.

« Moi quand j’étais petit j’aimais bien Hauru, du château ambulant. Il est trop beau, il est trop fort, et il vole. Et c’est un gros bébé. J’adore la scène où il fait sa crise parce que ses cheveux ont changé de couleur. Ça le rend attachant. » Mais il n’avait pas très envie de rester en place, l’instant d’après, il était à nouveau debout. « Voyons si l’eau est bonne. »

Sarang essaya de rouler le bas de son pantalon pour le monter au niveau de ses genoux, en vain. Il était trop grand pour ça. Tant pis, il renonça et courut jusqu’à l’eau, qui ne tarda pas à lui tremper le bas du pantalon. Pas plus dérangé que ça, il se passa pour tremper ses mains dans la première vague qui passa.

« Elle est pas mauvaise ! » Fit-il en direction de Ren.

En réalité, une autre personne l’aurait trouvé un peu fraîche, mais lui, ça ne le dérangeait pas. Sarang avait une folle envie d’envoyer de l’eau sur Ren, mais celui-ci avait eu la présence d’esprit de ne pas trop s’approcher. Il tenta quand même quelque chose, mettant ses mains en coupe, il prit de l’eau et courut le plus vite possible jusqu’à lui pour lui jeter au visage.

« Pfff. »

C’était décevant. Entre la course et l’eau qui lui avait filé entre les doigts, c’est à peine si quelques gouttes avaient atteint le doux visage du jeune homme. Sarang le regarda de haut en bas, et s’attarda sur ses jambes. Il finit par s’agenouiller par terre et lui balança du sable dessus.

« Bouge pas, je t’enterre. »

Parce que oui, les châteaux c’est pour les enfants, mais les enterrements, c’est pour tout le monde.

Ren n’avait pas l’air de connaître le dessin animé du château ambulant, voilà un point de sa culture que Sarang viendrait à combler un de ces jours. Finalement, ils allaient peut-être bien regarder un film ou deux ensembles, et peu importe si ça devait se terminer en câlins torrides, morsures et jambes en l’air.

« Inaccessible ? Peut-être… » Ce n’était qu’un crush de gamin, il n’avait pas réfléchi très loin à ce que représentait Hauru pour lui il y a des années. « Mais très humain en même temps. Puis j’aurais bien aimé pouvoir voler quand j’étais plus petit. »

À la moquerie sur ses soi-disant caprices, il se redressa et tira la langue à Ren, un geste qui changea quelque peu de nature quand il rompit le peu d’espace entre eux pour lui faire une bise au coin des lèvres. Puis l’attrait de la mer le fit repartir. Difficile de savoir ce qui l’attirait le plus en cet instant, l’océan ou l’amant, à peine goûtait-il à l’un qu’il revenait vers l’autre. Après sa tentative d’arrosage ratée, il entreprit d’enterrer Ren dans le sable, mais ce dernier, en plus de se débattre, ne tarda pas à filer à toutes jambes. Sarang le regarda partir, un peu surprit et incertain quant à la suite des évènements. Est-ce que c’était la fin de cette petite aventure ? Est-ce que son cadet allait l’attendre dans la voiture ? Finalement, Ren revint avec la nourriture qu’ils avaient achetée. Il le scruta tandis qu’il se rasseyait, et lui trouva l’air bien fatigué, et ce n’était pas seulement dû à l’essoufflement d’avoir couru dans le sable. Il avait un air pâlot qui lui rappelait la fois où il avait saigné du nez, et ce ne sont pas deux cafés qui allaient arranger les choses. Sarang se laissa tomber à ses côtés, le regardant jusqu’à ce qu’il vienne lui offrir un baiser au goût de fraise.

« J’aime bien l’acide. » Dit-il avant d’éclater de rire devant la grimace de Ren. « Toi un peu moins à ce que je vois. »

Sans qu’il y pense, sa main bondit et il lui pinça la joue, puis l’embrasa de nouveau. C’était plus fort que lui, il le trouvait bien trop adorable, tellement qu’il lui fallut un peu de temps pour le libérer.

« Rentrons, oui, Artémis, Éros et Himéros nous attendent. »

Il récupéra sa bouteille de soda, mais ne mangea pas grand-chose. Le fait que Ren travaille le lendemain le rendait plus déterminé encore à partir vite. Les voyages étaient fatigants en eux-mêmes, plus ils partiraient tôt, plus ils pourront profiter d’un certain calme. Et puis, lui aussi allait devoir se faire à son nouveau logement.

« Je viendrais. Ça me fera pile sept jours de congé, j’espère qu’après on me laissera enfin revenir bosser. »

Une semaine, c’est long, même si son amant avait donné à ces derniers jours une saveur particulière.

« J’essaierais de ne pas te voler la vedette. » Fit-il avec un sourire taquin.

L’une des choses que Sarang retiendra de cette petite escapade, c’était que Ren n’avait pas tellement l’air d’aimer l’eau. Il avait préféré rester sur le bord de la source chaude, et il n’avait pas trempé un seul orteil dans l’océan, alors même qu’on pouvait avoir de l’eau jusqu’aux chevilles, voire moins. Ce n’était peut-être qu’une impression, il était trop tôt pour les certitudes. Pour l’instant, le plus important était qu’il mange et se repose, aussi grignota-t-il sans grande conviction son KitKat pomme cannelle, pas vraiment à son goût, en attendant que Ren ait mangé autant de fraises qu’il le voulait. C’est une fois qu’il eut fini qu’il se leva en ramassant les restes de nourriture.

« Allez, on y va. »

Il aurait bien aimé prendre la main de Ren dans la sienne, mais avec les paquets et ses chaussures à ramener, ce n’était pas possible. Il attendit donc d’être à nouveau installé dans la voiture pour s’asseoir tout près de lui, glissant une main dans ses cheveux, l’observant plutôt que le paysage. Il aurait bien aimé parler de cette fatigue qu’il lisait sur son visage, mais il commençait à connaître son compagnon, et il se doutait que ça n’allait pas être si simple. Quand il avait dit qu’il se souciait de sa santé, Ren s’était enfermé dans le silence. C’était visiblement sa manière d’agir. Il allait falloir prendre le temps, ou être plus subtil, mais la subtilité et Sarang, ça n’était pas trop ça. C’est le cas de le dire.